Depuis l’été 2004, la peinture de Bernard Cousinier tient le mur. Audacieuse première intervention directe sur une paroi dans le cadre de L’art dans les chapelles, cette réalisation murale géométrique a introduit une évolution remarquable dans l’histoire déjà longue de cette manifestation. Mais prenant place avec justesse dans l’espace, créant le sien propre, elle a été comme adoptée par les visiteurs, les organisateurs et la commune. Conçue et réalisée spécifiquement pour le lieu durant une résidence de création, elle repose sur des réglages et des ajustements rigoureux avec le contexte architectural et patrimonial, fait corps avec lui, y adhère, s’y incruste. Prolongée une première fois, l’oeuvre est chaque année « pérennisée provisoirement » par le conseil municipal. L’artiste est donc amené à en réactualiser le titre qui désigne, de manière très symptomatique, le lieu, le type de peinture, le matériau et les dates changeantes de l’oeuvre. La peinture à la chaux utilisée pour reblanchir les murs de la chapelle comme pour peindre les formes rouges incarnat cernées de gris assure un vieillissement harmonieux de l’ensemble et une résistance aux hivers dans ce lieu humide.
Le festival repose sur des propositions nouvelles chaque été pour assurer le dynamisme de la manifestation. Depuis quatre ans, la chapelle du Gohazé fait donc exception dans le parcours. L’oeuvre, inscrite dans une temporalité étirée, tend à s’approcher d’autres logiques plus proches au fond de celles de la commande publique qui installe de manière pérenne des oeuvres dans l’espace commun. Pour autant, elle ne fossilise pas la vitalité artistique de la manifestation. Elle vit et nourrit d’autres projets : édition en 2006 d’une sérigraphie transposant les « passeplans » minimalistes sur un autre support et à une échelle différente puis, l’année suivante, extension
tridimensionnelle par la création d’une sculpture évidée et peinte implantée en extérieur, au droit de la porte de la chapelle et du calvaire de l’enclos, le temps de l’été. Cette sculpture-peinture a même constitué un visuel de référence de l’édition 2007. Qui sait ce que ce projet générera encore dans les années à venir ?
Si un jour la décision est prise de proposer Notre-Dame-de-Joie à la création d’un autre artiste, il faudra accepter de se déprendre de ces formes devenues familières, revenir au blanc initial comme à la fin d’un film… dans l’attente du suivant. Pratique ordinaire dans les centres d’art à chaque fin d’exposition, le contexte et l’histoire singulière du projet en ont ici décidé autrement, pour le moment au moins. Quoi qu’il en soit, la peinture de Cousinier, alors enfouie dans les couches inférieures d’une archéologie future des murs de la chapelle, ne disparaîtra pas totalement : l’artistique n’est pas entièrement contenu dans sa matérialisation. L’oeuvre continuera à exister mais sous d’autres formes, par les projets qu’elle aura nourris, les rencontres suscitées, les écrits et les photographies publiés, toute une mémoire construite et partagée.
TEXTE IN CATALOGUE ADC 2008