Le mural de ND de Joie

Aurélie Cavanna, 2008

Entretien avec Bernard Cousinier sur « le mural de Notre Dame de Joie », Pontivy

 – En quoi avez-vous été séduit par le projet de L’art dans les chapelles ?

Cette manifestation a, dans le milieu, une très bonne réputation de qualité et nombre de mes collègues y avaient déjà participé. C’était donc sans hésitation que je répondais instantanément au désir de rencontre d’Olivier [Delavallade].
Se confronter à une chapelle n’est cependant pas anodin. Il n’ y a pas à ma connaissance de la part des organisateurs, la recherche d’un art contemporain qui tournerait autour de la notion du sacré.
C’est ainsi donc majoritairement des artistes qui, comme moi, sont amenés dans ces lieux particuliers à se confronter, avec leur création, à un contexte architectural chargé d’histoire et de sacré.
On cherche à cohabiter, à installer un dialogue. L’œuvre est toujours notre œuvre mais elle se doit de trouver sa place pour qu’un dialogue soit possible et qu’elle n’apparaisse pas comme un « sur ajout ».
Dans cette manifestation, l’enjeu est d’installer un dialogue avec la chapelle et non celui de montrer son œuvre dans une chapelle.

– Vous faites partie des artistes qui n’ont pas abordé les chapelles sous l’angle du sacré. Que diriez-vous malgré tout du rapport entre cette dimension spirituelle des lieux et les œuvres d’art contemporain profanes ?

 En ce qui concerne les relations entre profane et sacré, nous sommes en effet amenés à intervenir dans ces lieux chargés d’histoires liées au culte religieux.Mais on reçoit tout cela dans une sorte de silence et d’ouverture. On est invité à y pénétrer sans aucune contrainte. Chacune de ces chapelles est le plus souvent simple, chaleureuse, avec un caractère riche de ses particularités. Personnellement je suis un non-croyant. J’ai donc avec le culte et le fait religieux une grande distance.Mais ma relation aux chapelles, et donc à la chapelle du Gohazé, est immédiate. Elles me parlent d’emblais des gens, de leur quête de quiétude, d’un lieu de passage… d’un silence. Je me sens très proche de tout cela.Avec mon art et mes moyens profanes, j’ai proposé des liens, un dialogue entre ce lieu de culte et mon art. J’ai essayé de m’y intégrer : grâce à la voûte en me calquant sur son dessin , mais aussi en choisissant de travailler à la chaux à même le mur, me rapprochant ainsi du mural traditionnel… des chapelles.

– Quelles ont été vos premières impressions et réactions en découvrant la chapelle Notre-Dame de Joie ?

 Comme je l’ai souvent dit, mes premières impressions à la découverte de la chapelle de Notre Dame de Joie étaient de me retrouver devant une décoration de la voûte qui, avec sa géométrie et ses grandes plages rectangulaires, me renvoyait automatiquement à mon propre travail basé lui aussi sur un questionnement sur ce cher rectangle de base qu’est le tableau traditionnel.
Je voyais donc d’emblais la possibilité de dialoguer avec mon travail à partir de la peinture de la voûte.

– Comment avez-vous souhaité affirmer votre présence au sein de ce lieu et de son influence sur la création et la réception des œuvres ?

 Il se trouve que dans mon travail le contexte de l’architecture d’un lieu est un élément dynamique et fondamental.
Je travaille le plus souvent à partir de sa configuration.
L’œuvre se modèle grâce à cette architecture mais aussi bien sûr avec la charge qui l’habite, et, dans la chapelle, avec le silence qu’elle m’inspire.
Ainsi je cherchais une certaine lenteur dans le mouvement des formes entre elles. Je choisissais les deux couleurs le rose- rouge et le gris avec le désir qu’elles répondent par un contraste au bleu de la voûte et que sa charge colorée soit à la fois intense et paisible.

– Quelle importance accordez-vous au regard du public dans le cadre de ce festival où les rencontres constituent le coeur du projet ?

Les regards des autres sur mon œuvre murale dans la chapelle l’ont, je peux le dire maintenant, réellement façonnée.
Le premier regard extérieur qui est rentré dans la chapelle était celui d’une touriste qui nous demandait à nous qui étions encore sur l’échafaudage si une  œuvre était prévue dans cette chapelle…
Et puis, (…) les successives demandes pour la maintenir ont finalement abouti à son maintien définitif par la commune. Je dois cette situation au regard qui a été porté par de nombreuses personnes sur mon œuvre.

– Actuellement, le projet des « murales » ainsi que leur pérennisation posent de nombreuses questions en terme d’évolution de la manifestation.
Quelle est votre position à ce sujet ?

Le fait que des œuvres soient ainsi pérennisées, ouvre de nouvelles situations d’échanges à l’intérieur de la manifestation, ouvre et pose des questionnements  sur lesquels moi aussi personnellement je réfléchis : inviter une autre œuvre à s’inscrire dans la chapelle avec un accord à trouver aussi avec cette autre œuvre contemporaine déjà en place !                 

Le 05 janvier 2008

REVUE «  LA CRITIQUE .ORG » – 17 juillet 2017