Texte catalogue Galerie Pixi

Il y eut, en amont – des passeplans, passemurailles et autres passevolumes ou arcs de Bernard Cousinier – des peintures au châssis classiquement rectangulaire, dont les bords étaient, à l’image d’orgues sonores scandés de barres colorées. C’est le retrait ou l’absence, sinon la virtualité, de ces dernières qui détermine aujourd’hui les découpes latérales, transférant l’efficacité de la couleur au mur et à l’espace, mais aussi à l’épaisseur – la tranche – du châssis . La peinture y gagne sa mise en avant : elle s’exhibe en révélant son support, et le jeu qu’elle entretient nécessairement avec ses alentours – puisque, par définition, toute surface peinte n’est perçue que dans un contexte sensible.

« Passeplan» énonce ce passage d’une planéité initiale à une épaisseur spécifique – occupation d’un espace pour ainsi dire intermédiaire entre le plan et le volume discret. Lorsque celui-ci se développe par l’articulation de différents plans aux découpes homologues, Bernard Cousinier aboutit à des « passevolumes » complexifiant les rapports avec l’espace, qui se révèle davantage dynamisé. Si la largeur des plans est réduite pour souligner la seule et fondamentale verticalité, ils deviennent des « arcs », dont la combinaison produit des « sculptures d’angle ». Mais le passeplan peut aussi être évidé : il donne alors naissance à un « passefenêtre ».

L’énumération des oeuvres – dont les noms obéissent à une nécessité du même ordre que l’invention des concepts en philosophie, puisqu’on doit admettre que l’art est une philosophie muette – indique une rigueur au travail, déclinant la puissance générique des formes. Pour ce qui est de l’irrationalité, sa part se devine dans l’alternance des couleurs et des matériaux de recouvrement.

Tout passeplan a ainsi valeur métonymique d’autoportrait. Au spectateur de ressentir à son tour en quoi il peut concerner sa propre situation dans l’espace : ses manques, ses repères mouvants, sa manière de multiplier ses prises, de chercher des appuis. N’importe quel corps est désormais en quête de ce que put être naguère sa plénitude rassurante : Bernard Cousinier prend acte de cette inquiétude, et y trouve un lieu où se déplace la peinture.

Gérard Durozoi